Aider l’agriculture à préserver la ressource en eau

Emeline Choumert

Gérer et préserver les ressources en eau et les milieux aquatiques, telle est la mission des six Agences de l’eau en France. Ces établissements publics perçoivent des redevances auprès des usagers de l’eau et les reversent sous forme d’aides financières aux collectivités, industriels, agriculteurs et associations de pêche ou de protection de la nature pour soutenir des actions d’intérêt commun. Emeline Choumert, cheffe du service agriculture et milieux aquatiques, nous éclaire sur la politique d’intervention de l’Agence Loire Bretagne envers le monde agricole.

Quels sont les enjeux de l'usage de l'eau en agriculture ?

Le premier enjeu est de lutter contre les pollutions diffuses. Il s’agit de diminuer la pression des nitrates et des pesticides sur la ressource en eau pour en améliorer la qualité. Notre objectif est d’aider à réduire les intrants agricoles et à limiter les risques de transfert des polluants vers les nappes et les cours d’eau. Le second est de préserver la ressource d’un point de vue quantitatif. Certains bassins sont en déficit structurel. Nous travaillons sur le partage de l’eau, la sobriété et les systèmes résilients et vertueux.

Concrètement, quelles actions menez-vous ?

Les pratiques de l’agroécologie telles que la diversification des cultures, la couverture des sols, les cultures économes en intrants et en eau, mais aussi la conduite des élevages avec pâturage, sont plus respectueuses de la ressource en eau. Pour aider les agriculteurs à faire évoluer leurs techniques, nous finançons de l’animation, des accompagnements collectifs ou individuels et des diagnostics d’exploitation, conduits par les chambres d'agriculture, les groupements d’agriculteurs biologiques, les Civam (1), etc. Nous finançons aussi la création des Organismes uniques de gestion collective (OUGC) (2). Dans les zones structurellement en déficit d’eau (3), les agriculteurs n’ont plus d’autorisation individuelle de prélèvement. C’est l’OUGC qui détient une autorisation globale de prélèvements pour le compte des irrigants du périmètre et qui gère la redistribution. Sur cette thématique du partage de l’eau, nous aidons chaque sous bassin versant à mettre en oeuvre son projet de territoire pour la gestion de l’eau (PTGE) dont l’objectif est une juste répartition de la ressource entre les acteurs.

Des aides sont-elles versées directement aux agriculteurs ?

Oui, sur les territoires prioritaires, nous cofinançons avec le fonds européen du Feader (4) les investissements pertinents par rapport à notre politique ou les MAEC (5) dont les enjeux portent sur l’eau ou la réduction des intrants. Par exemple, nous soutenons l’acquisition de matériel de désherbage mécanique, de semis direct, toutes pratiques permettant de diminuer le recours aux phytosanitaires, de réduire les nitrates, de consommer moins d’eau, de préserver les zones humides. Nous intervenons également sur les investissements non productifs tels que les haies et les « bandes tampons » enherbées. Et bien sûr, nous favorisons la conversion à l’agriculture biologique. Nous avons aussi soutenu une trentaine de retenues de substitution pour que l’eau d’irrigation habituellement prélevée en été, le soit en hiver. Nous adaptons nos interventions aux contextes locaux pour mener une politique cohérente et homogène à l’échelle du bassin, qui va du nord de l’Ardèche et de la Lozère jusqu’au Finistère.

Y a-t-il des actions sur des zones plus stratégiques ?

Sur les zones de captage d'alimentation en eau potable, nous accompagnons l’acquisition par les collectivités de parcelles sur lesquelles un bail environnemental imposera certaines pratiques agricoles. Nous finançons aussi des études pour développer des filières plus respectueuses de l’environnement, par exemple la culture du miscanthus.
En Bretagne, dans les six baies “algues vertes”, nous expérimentons depuis 2021 les PSE (6) pour diminuer la concentration des nitrates dans l’eau. Les agriculteurs peuvent être subventionnés pour conserver les zones humides, maintenir des couverts végétaux à l’automne et réduire l’apport d'azote minéral. Nous testons également les PSE dans d’autres territoires en grandes cultures et en élevage.
 

Comment sont encadrées vos missions ?

Les actions du volet agricole entrent dans le cadre de contrats territoriaux portés par une collectivité, un syndicat d’eau potable, un syndicat de rivière, etc. Nous définissons avec les acteurs du territoire les objectifs, une stratégie et une feuille de route sur six ans. L’agence de l’eau s’engage avec ces structures sur un programme d’actions. L’ensemble de nos financements est inscrit dans notre programme d’intervention, élaboré également pour six ans et dans lequel nous fixons les priorités et les aides qui seront allouées. Le 11ème programme se termine en 2024.

Propos recueillis par Sabine Huet

(1) Civam : Centres d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural.
(2) OUGC : Un organisme unique de gestion collective est une structure qui a en charge la gestion et la répartition des volumes d’eau prélevés à usage agricole sur un territoire déterminé.
(3) Ces zones sont classées par arrêté préfectoral en ZRE, zone de répartition des eaux.
(4) Feader : Le Fonds européen agricole pour le développement rural est un instrument de financement de la politique agricole commune (PAC), géré par les Régions.
(5) MAEC : Les mesures agro-environnementales et climatiques sont un outil du second pilier de la PAC. Une MAEC est une démarche volontaire contractualisée sur 5 ans qui vise à protéger des espèces ou des milieux sensibles ainsi qu’à accélérer la transition agro-écologique. L’agriculteur qui respecte le cahier des charges bénéficie d'une aide financière à l’hectare.
(6) PSE : Les paiements pour services environnementaux rémunèrent les agriculteurs pour des actions qui contribuent à restaurer ou maintenir des écosystèmes, dont la société tire des bénéfices (préservation de la qualité de l’eau, stockage de carbone, protection du paysage et de la biodiversité…).
 

• 345 millions d'euros pour réduire l'impact des activités agricoles sur l'eau affectés entre 2019 et 2024 : 265 millions pour réduire les pollutions d'origine agricole et 80 millions pour la gestion économe et équilibrée des prélèvements en eau
• Plus de 120 000 ha financés en MAEC et conversion à l’agriculture biologique sur le bassin Loire Bretagne.
 

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